J’ai trouvé cette lettre bouleversante et d’une rare sincérité. Elle révèle l’amitié qui liait la chanteuse et le poète…
Edith Piaf, Riviera night-club, Miami Beach, Florida, USA
Le 28 Février 1953
Mon Jean Chéri,
Quelle joie de lire et relire ta lettre, je sais combien sont nombreux ceux qui t’aiment mais si tu pouvais savoir à quel point moi je t’aime malgré les rares moments où nous nous voyons, c’est très drôle l’impression que j’ai à chaque fois que je te vois, j’ai envie de te protéger contre toute la méchanceté du monde et je m’aperçois à chaque fois que c’est toi qui remontes et me redonnes du courage pour affronter justement ce monde si dur ! Ne trouves-tu pas que c’est merveilleux d’aimer quelqu’un sans avoir besoin de lui, de l’aimer seulement pour lui, parce que l’on sait que cet être est magnifique, eh bien je t’aime comme ça, quand j’entends ton nom, ou que je le lis quelque part je reçois toujours un choc au coeur !
Jean Cocteau (6 mars 1953 Le passé défini vol.2 ).
Photo 1 : Jean Cocteau et Edith Piaf pendant les répétitions du Bel Indifférent, en avril 1940 au Théâtre des Bouffes Parisiens.
Photo 2 : Jean Cocteau, Edith Piaf et Christian Bérard.
Photo 3 : Jean Cocteau, dessin : silhouette d’Edith Piaf dans le Bel Indifférent.
Jean Cocteau aimait écrire des lettres et des poèmes à Jean Marais. Parfois, il les glissait, la nuit, sous la porte de sa chambre… Qui resterait insensible à une si délicate attention ?
Aujourd’hui, je vous ai choisi celui-ci :
« Si mon nom quelque jour se fixe en une étoile
Et si des jeunes coeurs aiment la regarder
Ils sauront le secret des forces de ma moelle
Et quel ange au travail vint doucement m’aider.
Que serais-je sans toi ? Pareil à ces poètes
Qui portent des lauriers de bronze sur la tête
Et qui rôdent tout seul sur de vagues chemins !
Moi je marche sur la couronne de tes mains. »
Jean Cocteau : Couronne de Mains
Jean Cocteau se serait-il inspiré d’Anna de Noailles pour écrire « La voix humaine » ?
Le 17 février 1930, le rideau de la Comédie-Française se lève sur « La voix humaine », la pièce que Jean Cocteau a écrite pour un seul personnage : une femme qui au téléphone, parle une dernière fois à celui qu’elle aime. Pour la comédienne pressentie, ce numéro de haute voltige est à la fois un cadeau et une redoutable prise de risque. Dans un décor de Christian Bérard représentant une chambre meublée d’un lit défait, d’une chaise basse et d’une petite table, Berthe Bovy, en chemise de nuit, déroule l’un des plus beaux monologues du théâtre français et tente de reconquérir celui qui va en épouser une autre. » J’ai le fil autour de mon cou… J’ai ta voix autour de mon cou. » Les défaillances de la communication, les coupures rendent cet appel au secours encore plus poignant, d’autant qu’elle ne fait aucun reproche à son amant.
Une récente étude de Marie-Lise Allard, à qui l’on doit de précieuses recherches sur la vie et l’oeuvre d’Anna de Noailles, nous apprend que Cocteau, lié à la poétesse depuis 1911, aurait pu s’inspirer d’un texte « Duo à une seule voix » qui fait partie de l’ouvrage : « Les Innocentes ou La Sagesse des femmes » paru en 1923. Il s’agit d’un dialogue tronqué, puisque sont seulement livrées les paroles d’une femme qui se dérobe aux avances d’un amoureux trop entreprenant. A l’inverse de « La Voix Humaine » où il est question d’une victime brisée par une séparation imposée, l’héroïne de « Duo à une seule voix » mène la danse avec humour et malice. Séduction, insolence, attachement, infidélité, rupture : d’une oeuvre à l’autre, toutes les nuances du sentiment sont déclinées. Chacun leur tour, Anna et Jean ont écrit deux dialogues à une seule voix qui resteront intemporels, et pourront concerner certains d’entre nous…
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