« Un jour que j’allais voir Picasso, rue La Boétie, je crus, dans l’ascenseur, que je grandissais côte à côte avec je ne sais quoi de terrible et qui serait éternel. Une voix me criait: « Mon nom se trouve sur la plaque ! » Une secousse me réveilla et je lus sur la plaque de cuivre des manettes: ASCENSEUR HEURTEBISE. Je me rappelle que chez Picasso nous parlâmes de miracles ; Picasso dit que tout était miracle et que c’était un miracle de ne pas fondre dans son bain comme un morceau de sucre. Peu après, l’ange Heurtebise me hanta et je commençai le poème. À ma prochaine visite, je regardai la plaque. Elle portait le nom OTIS-PIFRE ; l’ascenseur avait changé de marque. »

Dans la pièce de 1926, cet ange ne présente plus le même visage. Après avoir été celui qui heurte et qui brise, il devient « bise », un bon ange gardien qui va et vient entre invisible et visible, où il prend l’apparence d’un vitrier. Il veille, non sans maladresse et une certaine part d’impuissance, sur Eurydice et sur Orphée.

Cocteau, lors de la première reprise d’Orphée par la compagnie Pitoëff du 4 au 17 juin 1927, joue lui-même le rôle d’Heurtebise.

Heurtebise, c’est la nuit du poète, tout ce qui lui échappe, son inconscience aussi bien que le surnaturel qui l’entoure.

Photo : Cocteau en Heurtebise vitrier dans la pièce Orphée de 1926.