Jean Cocteau se serait-il inspiré d’Anna de Noailles pour écrire « La voix humaine » ?
Le 17 février 1930, le rideau de la Comédie-Française se lève sur « La voix humaine », la pièce que Jean Cocteau a écrite pour un seul personnage : une femme qui au téléphone, parle une dernière fois à celui qu’elle aime. Pour la comédienne pressentie, ce numéro de haute voltige est à la fois un cadeau et une redoutable prise de risque. Dans un décor de Christian Bérard représentant une chambre meublée d’un lit défait, d’une chaise basse et d’une petite table, Berthe Bovy, en chemise de nuit, déroule l’un des plus beaux monologues du théâtre français et tente de reconquérir celui qui va en épouser une autre. » J’ai le fil autour de mon cou… J’ai ta voix autour de mon cou. » Les défaillances de la communication, les coupures rendent cet appel au secours encore plus poignant, d’autant qu’elle ne fait aucun reproche à son amant.
Une récente étude de Marie-Lise Allard, à qui l’on doit de précieuses recherches sur la vie et l’oeuvre d’Anna de Noailles, nous apprend que Cocteau, lié à la poétesse depuis 1911, aurait pu s’inspirer d’un texte « Duo à une seule voix » qui fait partie de l’ouvrage : « Les Innocentes ou La Sagesse des femmes » paru en 1923. Il s’agit d’un dialogue tronqué, puisque sont seulement livrées les paroles d’une femme qui se dérobe aux avances d’un amoureux trop entreprenant. A l’inverse de « La Voix Humaine » où il est question d’une victime brisée par une séparation imposée, l’héroïne de « Duo à une seule voix » mène la danse avec humour et malice. Séduction, insolence, attachement, infidélité, rupture : d’une oeuvre à l’autre, toutes les nuances du sentiment sont déclinées. Chacun leur tour, Anna et Jean ont écrit deux dialogues à une seule voix qui resteront intemporels, et pourront concerner certains d’entre nous…
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